APPARITIONS
Read more
-
Français
-
English
<
>
Golnaz Behrouznia
(En résidence CIRPAC)
Xavier Malbreil 2014
Ce premier temps de la réception de l’oeuvre – Golnaz Behrouznia a sculpté une dizaine de pièces pendant sa résidence de trois semaines, aidée par François-Xavier Poulaillon et le plasticien Matthieu Fappani – pourrait en être l’aboutissement. Les formes que l’artiste a sculptées sont en effet issues de l’univers de fiction biologique qu’elle tisse au fil des années. Mais ces empreintes sont- elles aussi autre chose que des « preuves par la pierre »? C’est une question que l’on peut se poser, tant il serait peu satisfaisant pour l’esprit de considérer ces sculptures denses, ramassées, concises, comme uniquement le flash-back de l’oeuvre existante. En un mot, et pour reformuler la question, les sculptures dans la pierre faites par Golnaz sont-elles autre chose que des empreintes, et ouvrent- elles d’autres portes dans sa pratique ?
En voyant deux de ses sculptures en marbre blanc, ce si beau marbre blanc de Saint-Béat, qui a fait sa réputation depuis l’empire romain, on remarquera les rehauts noirs portés au rotring sur les contours de la pièce. Et notamment sur ce e pièce qui met face à face deux de ses chimères, dont les prolongements filamenteux évoquent clairement les connexions filaires dont nos appareils électroniques sont bardés. Ce que l’on voit échappe clairement au domaine du fossile, à cause d’une part de ces rehauts, et d’autre part de cette finesse de détails dans la connectique sculptée – sauf à penser qu’il s’agirait de traces laissées par une très ancienne civilisa on, disparue il y a plusieurs centaines de millions d’années. D’autres pièces sculptées par Golnaz nous montrent que l’artiste ne s’est pas contentée de reproduire son vocabulaire de formes dans la pierre.
De fait, il n’y a de contradiction qu’apparente entre la pierre et le vivant, puisque certaines formations, comme les stromatolites, sont issues de bactéries. Et si ce e contradiction apparente entre la pierre et le vivant est résolue, pourquoi ne pas résoudre aussi ce e contradiction apparente entre la pierre et l’électronique ? Les traces de connectique dont certaines sculptures de Behrouznia sont marquées seraient ainsi la tension de la pierre vers un âge futur, qui ferait pendant à cette concrétion du passé biologique dans la pierre dure et apparemment inerte. La pierre en tant que matériau, si elle pousse Golnaz Behrouznia à repenser son répertoire de formes, l’amène aussi à résoudre les apparents paradoxes temporels dont la pratique de la sculpture sur pierre seraient handicapée. Sa fiction biologique trouverait ainsi un terrain particulièrement fécond dans la pierre – qui de par sa nature même accentue les pièges que nos sens nous tendent. Oui, la pierre est dure et semble éternelle, mais elle fut un jour, pour certaines d’entre elles, un amas de minuscules bactéries produisant du calcaire pour se protéger ! Ce calcaire, par le biais de réchauffements et de compressions a pu devenir du marbre. Pour Golnaz Behrouznia, ce marbre peut devenir un média communicant. Les contradictions entre le temps long de la pierre, et le temps court, toujours plus court de l’informatique et de l’électronique, seraient ainsi résolues ?
Voilà revenir la question de savoir si c’est de l’art, et pourquoi c’est de l’art ? La pratique de Golnaz Behrouznia, lors de sa résidence de trois semaines au CIRPAC, montre comment une artiste peut s’inscrire dans une démarche à la fois scientifique et artistique, en pointant du doigt d’apparents paradoxes, comme ceux de mettre sur un même plan le temps long et le temps court, le minéral et le vivant, le naturel et l’artificiel. La pensée scientifique ne s’arrête pas aux apparences, mais procède par hypothèses et vérifications quantifiables et reproductibles. Quand elle ose proposer des « fictions », c’est pour mieux saisir la réalité de l’univers physique.
Le travail d’une artiste comme Golnaz Behrouznia se situe dans ce e ligne-là, avec ses fictions biologiques, qui dépassent le temps instantané, et qui préfigurent un temps futur.
L’art nous rappelle une réalité enfouie, et nous libère en nous amenant vers une nouvelle réalité. Voilà peut-être pourquoi les sculptures de Golnaz Behrouznia dans la pierre créent ce sen ment de reconnaissance, parce qu’elles rappellent un temps passé, et qu’elles appellent un temps futur, donnant ainsi un apaisement à cette torture de la conscience humaine, qui sait le corps se mouvoir dans un temps court, si court, alors que les prodiges de l’esprit lui ouvrent les voies de la quasi-éternité.
Golnaz Behrouznia
(CIRPAC art residency)
Xavier Malbreil 2014
In residence at the CIRPAC
The first stage of the work – where Golnaz Behrouznia carved a dozen pieces during her three weeks residence, with the help of François-Xavier Poulaillon and visual artist Matthew Fappani - could be the culmination. The forms that the artist has carved are in effect from a fictitious biological universe that she developed over the years. But are these fingerprints also something other than "evidence in the stone"? It is a question that may be asked, as it would be unsatisfactory for the mind to consider these dense sculptures, picked and concise, as only the flash-back of an existing work.
In summary, and to reformulate the question, are the stone sculptures made by Golnaz something other than traces, and do they open other doors to her practice?
Looking at two of her sculptures in white marble, this beautiful white marble from Saint-Béat, which has built its reputation since the Roman Empire, we will notice the black highlight credited to the rotring on the outline of the artwork. And in particular on this exhibit which puts face to face two of its chimeras, whose filamentous extensions clearly evoke the wired connections which our electronic devices are covered. What one sees clearly goes beyond the fossil’s domain, due firstly to these highlights, and secondly due to the intricate details within the sculpted connectique – apart from thinking that it could be traces left by a very ancient civilization, disappeared several hundreds of millions of years ago. Other carved pieces by Golnaz show that the artist has not simply reproduced her vocabulary of forms in the stone.
As a result, there is no contradiction between the stone and the living, since some formations, as the stromatolites, are coming from bacteria. And if this apparent contradiction between the stone and the living is resolved, why not solve also this apparent contradiction between the stone and electronic? Traces of connections within some sculptures by Behrouznia would then be the stone voltage in a future age, which would match this concretion of the organic past in the hard stone and apparently inert. The stone as a material, even if it pushes Golnaz Behrouznia to rethink her repertoire of forms, also leads us to resolve the apparent temporal paradoxes which the practice of stone sculpture would be disabled. Her biological fiction would be a land particularly fruitful in the stone - which by its very nature accentuates the traps that our senses offer us.
Yes, the stone is hard and seems eternal, but previously one day, it was for some of them, only a cluster of tiny bacteria producing limestone to protect themselves! This limestone, through warmings and cuts has been able to become marble. For Golnaz Behrouznia, this marble can become a communicating medium. Would then contradictions between the long time of the stone, and the short time, always shorter of computer and electronics be resolved?
We go back to the question of whether this is art, and why is it art? The practice of Golnaz Behrouznia, at her three weeks residence at the CIRPAC, shows how an artist can enroll in a both scientific and artistic approach, pointing the finger to apparent paradoxes, like the ones putting on the same level the long time and the short time, the mineral and the living, the natural and the artificial. The scientific thinking does not stop at appearances, but proceeds by assumptions and quantifiable and reproducible audits. When it dares to propose "fictions", it is to better understand the reality of the physical universe.
The work of an artist like Golnaz Behrouznia is located in this line, with her biological fictions, which exceed the time snapshot, and which prefigure the future time.
Is that what her art would not be, finally, a way to raise awareness about each different time scales in which we live? Does her art help us to get out of the thin capsule of the Present, in which we are imprisoned? Art reminds us of a buried reality, and frees us in bringing us to a new reality.
Perhaps that is why the stone sculptures of Golnaz Behrouznia create this feeling of recognition, because they remind us of a past time, and they call for a future time, providing an appeasement to this torture of the human conscience, who is aware of the body moving within a short time, so short, whereas the miracles of the mind open the channels of the quasi-eternity.
xavier-mlbreil-ciprac-golnaz-behrouznia.pdf | |
File Size: | 2547 kb |
File Type: |